Une fertilisation à raisonner
La recherche d’une productivité et d’une qualité optimale des pommes de terre implique, entre autres, une bonne gestion de la nutrition des plantes.
Les carences en éléments minéraux nécessaires à la plante peuvent réduire la croissance du système végétatif (fanes et organes souterrains) et la longueur du cycle, et par conséquent limiter la formation et le grossissement des tubercules et la productivité de la culture. Certaines carences (par exemple en potassium) augmentent la sensibilité des tubercules à des désordres tels que le noircissement interne.
Les carences sévères en nutriments sont toutefois relativement peu fréquentes en production de pomme de terre.
A l’inverse, l’application excessive de fertilisants peut aussi provoquer un déséquilibre nutritionnel ou « sur-stimuler » la croissance végétative aux dépens de la production de tubercules.
L’apport en nutriments doit être adapté aux caractéristiques de la culture, avec un apport raisonné d’engrais en accord avec la disponibilité des nutriments dans le sol, et en fonction du type de sol et des besoins de la culture, selon le type de production (pomme de terre de plants, consommation en frais ou transformation) et le rendement attendu.
La disponibilité des nutriments pour les plantes est également liée à une bonne structure du sol, favorable à un système racinaire efficace, à des formes absorbables des nutriments et à un équilibre chimique entre les éléments. Les sols très acides ou très basiques sont plus sensibles aux carences en nutriments, qui peuvent être accrues aussi en cas de mauvaise alimentation hydrique des plantes.
Macroéléments (Macronutrient)
Les macroéléments, nécessaires en quantité importante à la plante, sont l’azote, le phophore et le potassium. Leur disponibilité, comme celle des microéléments, peut provoquer sur la pomme de terre des symptômes associés à une carence ou un excès (phytotoxicité) de certains éléments.
Les symptômes de carence s’observent notamment en sols filtrants, dans lesquels le lessivage est important, comme les sols sablonneux ou dans certains pays lors de cultures dans le sable conduites en fertigation.
La carence peut provenir d’un apport insuffisant en certains éléments ou d’un blocage de l’assimilation provoqué par un autre facteur (pH, équilibre entre éléments, etc.).
Les symptômes décrits sont donnés à titre indicatif et la confirmation de la carence ou de l’excès nécessite généralement des analyses complémentaires en laboratoire.
Carence ou excès en azote (Nitrogen deficiency or toxicity)
Rôle dans la plante : l’azote (N) est impliqué dans la production de protéines, d’acides nucléiques et la photosynthèse. Un apport suffisant d’azote est donc important lors de l’élaboration de la biomasse foliaire, mais aussi plus tard au cours de la phase de grossissement des tubercules. A l’inverse, un apport excessif peut inhiber la tubérisation, réduire le rendement et limiter la teneur en matière sèche. A la fin de la période végétative, l’excès d’azote peut retarder la maturation des tubercules et rendre fragile l’épiderme, ce qui peut déprécier la qualité des tubercules et l’aptitude au stockage.
Symptômes de carence : elle se traduit par un feuillage plus clair. Dans les cas les plus graves, les feuilles deviennent jaune-pâle et chlorotiques (photos 1 à 3) et la masse foliaire peut être réduite (photo 2). Comme l’azote est un nutriment mobile, les symptômes de carence concernent généralement l’ensemble de la plante.
Excès d’azote : il retarde la maturité et favorise le développement de la biomasse foliaire. Un volume important de fanes augmente l’humidité au pied de la plante et peut favoriser sa sensibilité à certaines maladies telles que le mildiou, la jambe noire ou la sclérotiniose.
Carence en phosphore (Phosphorus deficiency)
Rôle dans la plante : le phosphore (P) est un élément de structure (protéines, acides nucléiques…) et qui fournit l’énergie nécessaire au transport et à l’absorption des ions. Un apport adapté de phosphore est nécessaire pour une bonne croissance de la plante et une bonne tubérisation tandis qu’un manque de phosphore peut diminuer le nombre de tubercules. Ce nutriment est peu mobile dans le sol et des carences peuvent avoir lieu même dans des sols riches en phosphore dans le cas de faibles systèmes racinaires ou d’absorption réduite de nutriment à cause de différents facteurs tels qu’une mauvaise structure de sol, la sécheresse, de basses températures ou lorsque des maladies ont limité le développement racinaire. Dans les sols à pH élevé (autour de 7,5-8), par exemple sur des sols volcaniques, la disponibilité du phosphore est nettement réduite, même lorsque d’importants apports d’engrais ont été réalisés.
Une bonne nutrition phosphatée favorise la formation d’une peau épaisse et résistante des tubercules ainsi qu’une amélioration de la qualité de l’amidon (viscosité).
Symptômes de carence : elle se traduit d’abord par un allongement des folioles présentant parfois une légère déformation du bord des feuilles, puis l’apparition de taches brunâtres et un aspect terne du limbe foliaire (photos 4 et 5). Les carences sévères peuvent conduire à des plantes chétives aux tiges minces et aux feuilles supérieures ondulées ou frisées.
Carence en potassium (Potassium deficiency)
Rôle dans la plante : la pomme de terre requiert un apport important de potassium (K), dans la mesure où cet élément est essentiel pour les fonctions métaboliques telles que le transfert des sucres des feuilles vers les tubercules et la transformation des sucres en amidon. Il a aussi un rôle dans l’équilibre osmotique des cellules. Les carences en potassium ont un impact sur le rendement, la taille et la qualité des tubercules. L’apport de doses croissantes de potassium entraîne en général une diminution de la teneur en matière sèche dans les tubercules. Les carences en potassium réduisent également la capacité des plantes à résister aux agressions extérieures (maladies, parasites) et aux stress climatiques tels que la sécheresse et le froid.
Symptômes de carence : ils se manifestent tout d’abord sur les feuilles âgées car le potassium est très mobile dans la plante. Cela commence par une décoloration puis des tâches nécrotiques brunes, en premier lieu, sur le bord des feuilles, qui se propagent à travers les nervures. Les feuilles deviennent gaufrées, déformées et prennent une couleur vert-foncé et un aspect brillant et métallique (bronzé) (photos 6, 7 et 8).
La disponibilité en potassium joue un rôle essentiel sur la qualité des tubercules, en particulier concernant la résistance aux endommagements de type noircissement interne (taches cendrées).
Eléments secondaires et microéléments (micronutriments)
Les éléments secondaires et microéléments nécessaires à la plante incluent principalement le magnésium, le calcium, le fer, le manganèse, le bore et le soufre.
La disponibilité de ces nutriments dans le sol dépend de l’environnement pédoclimatique. Par exemple, le zinc est un élément relativement immobile et est concentré dans la matière organique du sol près de la surface du sol. Ainsi, un temps frais et humide réduit la disponibilité en zinc pouvant induire une possible carence.
La disponibilité en microéléments décroît généralement quand le pH dépasse 7 et les sols à pH élevé présentent ainsi plus de risques quant à l’apparition de carences. De même, les sols sableux sont plus propices au développement de carences que les sols argileux.
Les principaux symptômes de carences en éléments secondaires et microéléments sont décrits ci-dessous.
L’utilisation de compléments micro-nutritionnels doit être basée sur des analyses de sol, l’analyse de tissus et un examen visuel minutieux des plantes. Cela permet d’éviter des coûts d’intrants supplémentaires et non justifiés ainsi que des effets toxiques possibles ou encore l’interaction néfaste avec d’autres éléments. L’intérêt d’une application de ces éléments dépend du microélément déficient, des conditions pédologiques locales et du stade phénologique auquel est détectée la carence.
Carence en bore (Boron deficiency)
Rôle dans la plante : le bore régule le transport des sucres à travers les membranes et joue également un rôle clé dans la formation de la paroi cellulaire, la division cellulaire et le métabolisme de l’auxine.
Symptômes de carence : un symptôme typique est la mort ou le retard de croissance des bourgeons sur le feuillage ou les tubercules. Le bouquet terminal des plantes jaunit et se nécrose (photo 9). Les plantes ont un aspect buissonneux, avec des entre- nœuds raccourcis et des feuilles qui s’épaississent et des folioles qui s’enroulent (photos 10 et 11). L’émergence des plantes est lente. Dans les cas les plus grave le rendement peut diminuer.
Toxicité : une forte déformation des feuilles, semblable à celle provoquée par les hormones, peut être provoquée par une importante toxicité au bore.
Carence en calcium (Calcium deficiency)
Rôle dans la plante : le calcium est un constituant essentiel des parois cellulaires contribuant à la rigidité structurale.
Symptômes de carence : les jeunes feuilles et les apex deviennent chlorotiques, de taille réduite et légèrement enroulés (photo 12). En cas de carence sévère les plantes peuvent être chétives. Comme le calcium n’est pas très mobile dans la plante, les symptômes sont typiquement localisés à l’extrémité des feuilles, des tiges et des germes. La présence de nécroses et d’extrémités noires sur les germes (photo 13), comme des symptômes de rouille interne sont parfois associés à un déficit en calcium.
Carence en fer (Iron deficiency)
Rôle dans la plante : le fer est essentiel dans la respiration, le transfert des électrons et la fonction chlorophyllienne.
Symptômes de carence : les jeunes pousses et feuilles sont jaune pâle, voire blanchâtres à cause d’une altération de la synthèse chlorophyllienne. Toutefois, les nervures restent marquées et vertes (photos 14 et 15). En cas de carence sévère, les plantes sont chétives et les feuilles supérieures peuvent êtres chlorotiques.
Une carence en fer est rare, sauf dans certains sols calcaires, à pH élevé ou argileux où le fer se fixe au sol et devient alors moins disponible pour la plante.
Carence en magnésium (Magnesium deficiency)
Rôle dans la plante : le magnésium est un élément fondamental pour la photosynthèse (car entrant dans la composition de la molécule de chlorophylle). Il est également impliqué dans la production des protéines. Le magnésium est donc essentiel pour la croissance des plantes particulièrement pendant le grossissement des tubercules.
Symptômes de carence : des chloroses internervaires légères apparaissent sur les feuilles de la base (photos 16 et 17), qui ensuite brunissent pour finalement développer des taches nécrotiques dans les zones foliaires atteintes (photos 18 à 20).
De telles lésions ne sont pas rares sur des plantes de pomme de terre en fin de croissance et plus particulièrement sur certaines variétés. Ces lésions sont généralement situées au centre des folioles, mais aussi parfois au niveau des nervures sur les feuilles âgées (en raison de la mobilité du magnésium dans la plante).
Carence en manganèse (Manganese deficiency)
Rôle dans la plante : le manganèse intervient notamment dans le processus photosynthétique et comme activateur métabolique.
Symptômes de carence : les jeunes feuilles du sommet ont une couleur terne, une chlorose entre les nervures avec de petits points nécrotiques, localisés surtout le long de ces dernières (photos 21 et 22). Les plantes sont de taille réduite et présentent également des zones nécrotiques en bordure des feuilles (photo 22).
Carence en soufre (Sulphur deficiency)
Rôle dans la plante : le soufre est un composant de certains acides aminés.
Symptômes de carence : les plantes présentent un jaunissement généralisé du feuillage (photos 23 à 25) pouvant être confondu avec une carence en azote. Les carences apparaissent plutôt dans les premiers stades de la culture. En cas de faible disponibilité en azote, les feuilles de la base sont plus pâles que celles du sommet et ces feuilles de la base peuvent éventuellement se nécroser. Le manque de soufre provoque une maturation précoce.
Excès de salinité
La pomme de terre est une culture très sensible aux salinités élevées. Des dégâts dus à une trop forte salinité arrivent dans certaines régions chaudes où les cultures sont irriguées avec de l’eau salée et/ou des températures élevées qui provoquent des évaporations importantes et des remontées de grandes quantités de minéraux à la surface. Un excès de salinité, c’est-à-dire une concentration de sels, dans l’eau d’irrigation ou dans le sol est phytotoxique pour certaines cultures comme la pomme de terre et par conséquent réduit la croissance des plantes et le rendement (photo 26).