Agent(s) responsable(s) et transmission
Les pucerons sont de petits insectes suceurs de sève (ordre des Hémiptères et super-famille des Aphidoidea), qui comprennent un très grand nombre d’espèces. Certaines d’entre elles se multiplient sur pomme de terre et peuvent y constituer des colonies alors que d’autres, itinérantes, ne visitent qu’occasionnellement les plantes de pomme de terre lors de leur période de vol.
Les pucerons colonisant la pomme de terre
Parmi les pucerons, 6 espèces sont fréquentes sur le feuillage de cette culture et peuvent se rencontrer dans le monde entier. Si les conditions sont favorables, elles pourront développer des colonies importantes :
- Myzus persicae (puceron vert du pêcher et de la pomme de terre – photos 1 et 2) se localise de préférence sur les feuilles des étages inférieurs. C’est l’une des espèces les plus dangereuses et efficaces dans la transmission de virus à la pomme de terre. Certaines populations de cette espèce sont résistantes aux insecticides.
- Macrosiphum euphorbiae (puceron vert et rose de la pomme de terre – photos 3 et 4) est une espèce de grande taille avec des individus verts et roses. Les colonies sont souvent très visibles sur les hampes florales.
- Aulacorthum solani (puceron strié de la digitale et de la pomme de terre – photo 5) est de taille moyenne, de couleur jaune à vert avec des stries plus foncées chez l’ailé. Elle se rencontre de préférence sur les étages foliaires inférieurs et intermédiaires des plantes.
- Aphis frangulae (puceron de la bourdaine – photo 6) est de petite taille, de couleur plutôt verdâtre. Elle est surtout abondante en Europe de l’Est. Une autre espèce qui lui ressemble beaucoup peut aussi se rencontrer sur pomme de terre sous les climats chauds. Il s’agit d’Aphis gossypii (puceron du melon et du cotonnier).
- Aphis nasturtii (puceron du nerprun – photos 7 et 8) est aussi une espèce de climat tempéré, surtout fréquente en Europe de l’Est, mais également bien connue en France depuis une dizaine d’années. C’est une espèce de petite taille, de couleur jaune, présente également sur les étages foliaires inférieurs des plantes.
- Aphis fabae (puceron noir de la fève – photos 9 et 10), enfin, est une espèce polyphage, très dommageable pour de nombreuses cultures légumières. La sous-espèce A. fabae solanella se rencontre sur la pomme de terre surtout sous des climats chauds (méditerranéen et tropical).
A ces espèces du feuillage, il convient d’ajouter Rhopalosiphoninus latysiphon (puceron des germes de pomme de terre) qui se multiplie sur les germes de pomme de terre dans les locaux de conservation et qui peut entraîner des baisses de vigueur germinative.
Les pucerons itinérants
Les ailés de plusieurs dizaines d’autres espèces itinérantes non inféodées à la culture de pomme de terre peuvent cependant y faire de brefs passages.
C’est le cas de pucerons des céréales :
Rhopalosiphum padi (puceron du merisier à grappes – photo 11), Rhopalosiphum maidis (puceron vert du maïs), Schizaphis graminum (petit puceron des céréales), Sitobion avenae (puceron des épis) et d’autres cultures comme Brachycaudus helichrysi (puceron vert du prunier – photo 12), Phorodon humuli (puceron du houblon – photo 13), Cavariella aegopodii (puceron de la carotte – photo 14), Lipaphis erysimi (puceron du navet), Myzus certus qui sont parmi les espèces itinérantes les plus fréquemment citées en Europe de l’Ouest.
Aux Etats-Unis, de nouvelles espèces ont été de même mentionnées au cours de la dernière décennie : Acyrthosiphum pisum (puceron vert du pois – photo 15), Aphis helianthi (puceron du tournesol), Capitophorus eleagni.
Les espèces itinérantes sont également à prendre en compte pour leur rôle dans la dissémination de virus non-persistants comme le virus Y ou le virus A de la pomme de terre.
Par contre, le virus de l’enroulement n’est pas concerné par ces espèces itinérantes en raison de son mode persistant de transmission qui implique une assez longue période de présence des pucerons dans la culture.
Dégâts occasionnés
Les pucerons causent des dégâts directs du fait de leur activité alimentaire et des dégâts indirects du fait de leur rôle majeur dans la dissémination de nombreux virus de la pomme de terre.
Les dégâts directs résultent du prélèvement de sève et de la présence de champignons, les fumagines, se développant sur le miellat rejeté par les insectes. Les pertes ainsi occasionnées ne sont évidentes que dans les cas de fortes pullulations pendant une assez longue période dans la culture. Dans ce cas, des pertes de 5 à 16 tonnes par hectare ont pu être observées sur des variétés à cycle long.
Les dégâts indirects résultent de la dissémination des virus. Il faut distinguer ceux qui sont transmis sur le mode non-persistant (le processus entier de transmission d’une plante à une autre se fait en quelques minutes, voire quelques dizaines de secondes), de ceux transmis sur le mode persistant (la transmission effective du virus d’une plante à une autre requiert au moins quelques heures). Les virus Y, A, S et M entrent dans la première catégorie, le virus de l’enroulement dans la deuxième.
Transmission par les pucerons des virus de la pomme de terre
Espèce de puceron | PLRV* | PVY | PVA | PVS | PVM |
---|
M. persicae | +++ | +++ | + | | + |
M. euphorbiae | + | + | + | | + |
A. solani | + | + | + | | + |
A. frangulae | | + | + | | + |
A. nasturtii | | + | | + | + |
R. padi | | + | | + | |
M. persicae est le vecteur le plus efficace du virus Y et du virus de l’enroulement. Il est également fréquemment impliqué dans la dissémination de virus A, M et S. Toutefois, beaucoup d’autres espèces peuvent transmettre les virus non-persistants comme le virus Y, avec parfois une importance épidémiologique. |
*PLRV : Potato leaf roll virus (virus de l’enroulement de la pomme de terre)
PVY : Potato virus Y (virus Y de la pomme de terre)
PVA : Potato virus A (virus A de la pomme de terre)
PVS : Potato virus S (virus S de la pomme de terre)
PVM : Potato virus M (virus M de la pomme de terre)
Moyens de lutte
Les traitements insecticides peuvent être efficaces dans le cas des espèces se développant sur pomme de terre. En production de consommation, ils ne se justifient qu’en cas de fortes pullulations. Ils sont également utilisés pour lutter contre la transmission du virus de l’enroulement. Certaines espèces, comme M. persicae ou A. gossypii ont développé des résistances à plusieurs produits insecticides.
Par contre, dans les cas de la transmission des virus non-persistants (virus Y, A, M ou S), la protection par insecticides est inefficace. Les méthodes de lutte passent alors par une surveillance des populations de pucerons par piégeage (pièges jaunes disposés en parcelle ou pièges à succion à portée régionale comme le réseau EXAMINE), des applications d’huiles minérales et des pratiques culturales adaptées (qualité des semences, dates de semis, défanage, etc.). Les huiles minérales ne sont pas insecticides mais réduisent considérablement la transmission des virus non-persistants.