L’évolution physiologique du tubercule (phase d’incubation ou vieillissement physiologique) est un phénomène irréversible qui se déroule en deux étapes.
La première, survenant aussitôt après la récolte est une période durant laquelle celui-ci est dans l’incapacité de germer, même dans des conditions idéales. Il est en repos végétatif ou dormance profonde (endodormance).
La durée du repos végétatif peut varier, selon les variétés et les conditions de l’année de production, de 17 à 40 semaines, durée comptée de l’initiation de la tubérisation à l’apparition du premier germe visible d’environ 1 mm de longueur sur des tubercules conservés aussitôt après la récolte à l’obscurité à 15 °C avec une hygrométrie supérieure à 85 %.
La deuxième étape, celle de la germination comporte trois phases successives traduisant le degré d’incubation du plant :
- la phase I se caractérise par une croissance lente et l’émergence d’un seul germe situé à l’extrémité de la couronne (dominance apicale, photos 1 et 2) ; les tubercules présentant une telle germination sont dits peu incubés ;
- la phase II se traduit par une croissance rapide de plusieurs germes (photos 3 et 4), elle correspond à l’âge physiologique où le plant est le plus vigoureux ;
- la phase III durant laquelle la germination est de plus en plus ralentie, conduit à la formation de nombreux germes très allongés (filosité, photos 5 à 7) ; c’est à la fin de cette phase (plant totalement incubé) que l’on peut parfois également observer le développement de nombreux petits germes par œil (photo 8) qui, à l’extrême, vont tubériser en donnant lieu au « boulage », qui caractérise le stade ultime du vieillissement physiologique des pommes de terre de semence (photos 9 à 12).
La vigueur de croissance de la plante (photo 13) est en relation étroite avec l’état physiologique du tubercule- mère au moment de sa plantation.
Symptômes en végétation
Malgré tous les soins apportés à la culture, les plants trop incubés (phase III) ont une levée hétérogène, lente et étalée dans le temps. Les parties aériennes qui en sont issues restent chétives, le système racinaire peu développé, rendant les plantes vulnérables à la sécheresse. La croissance lente des pousses leur confère une grande sensibilité aux attaques des parasites du sol (en particulier à celles du rhizoctone brun) ; tubérisant précocement, elles ont une durée de végétation écourtée (qui peut être bénéfique pour les cultures de primeurs). Dans les cas extrêmes, notamment lorsque les températures survenant aussitôt après la plantation sont basses ou lorsqu’un égermage est effectué, le plant tubérise dans la terre sans formation préalable de tiges aériennes (« manque à la levée »).
A l’inverse, des plants peu incubés (en phase I) entraînent une levée retardée et un nombre limité de tiges par plantes (nombreuses « monotiges ») mais ont ensuite une vigueur normale. Ce phénomène se constate surtout lors de plantations précoces à l’export en automne.
Moyens de lutte
Conserver les plants dans des conditions permettant de leur assurer un âge physiologique optimal et une bonne vigueur de croissance.
En pratique, dans l’ouest de l’Europe, les variétés les plus sensibles à l’incubation (note inférieure à 5) doivent être rentrées très tôt en local réfrigéré (avant le 15 octobre) et refroidies jusqu’à 2-3 °C en faisant cependant attention aux variétés sensibles aux basses températures. Par ailleurs, si leur repos végétatif est court, la prégermination, si elle est pratiquée, doit être limitée à un mois et demi au maximum.
Les variétés moins sensibles (note comprise entre 5 et 7) peuvent être rentrées en local réfrigéré un peu plus tardivement (jusqu’au 15 novembre) et conservées à 4 °C.
Pour les variétés à incubation lente (note supérieure à 7), il suffit d’assurer un refroidissement permettant d’éviter une germination trop hâtive ou excessive et de supprimer le phénomène de dominance apicale,
- Utiliser des plants certifiés et adapter les conditions de pré plantation selon la variété, la durée du cycle de la culture et l’âge physiologique des plants. La prégermination des plants, au minimum au stade « point blanc », favorise une bonne émergence et généralement une bonne vigueur de croissance.
- Planter en sol suffisamment ressuyé et réchauffé.
Facteurs de risque
La vitesse de vieillissement physiologique du tubercule, encore appelée vitesse d’incubation ou sensibilité à l’égermage, est une caractéristique variétale. Elle est notée dans le catalogue français des « variétés de pomme de terre » de 1 : très rapide (très sensible) à 9 : très lente (très peu sensible).
Un tubercule d’une variété donnée est d’autant plus âgé à un instant donné que la période de temps qui s’est écoulée depuis son initiation a été plus longue (âge chronologique), et que la température à laquelle il a été conservé depuis sa récolte a été plus élevée.
Les variétés qui ont une évolution physiologique lente supportent des conditions sommaires de conservation.
Les connaissances acquises sur l’âge physiologique des plants ont eu pour application pratique la conservation à basse température telle qu’elle est réalisée en chambres frigorifiques (+ 2 à + 4 °C), et qui permet d’avoir des plants de qualité, physiologiquement en phase pour des plantations classiques, c’est-à-dire effectuées une fois par an au printemps.
Indépendamment de la notion d’âge physiologique, certaines variétés, stockées en plants à trop basse température ou avec une hygrométrie de l’air trop faible, peuvent présenter un blocage partiel ou total de la germination par déshydratation des yeux.