Agent(s) responsable(s) et transmission
Le virus Y de la pomme de terre (Potato virus Y ou PVY), membre-type du genre Potyvirus, est l’un des virus les plus répandus parmi les virus de plantes d’importance économique. Il est considéré comme le virus de la pomme de terre le plus préjudiciable dans le monde que ce soit en production de plant ou dans les autres types de production de pomme de terre.
Le virus Y est transmis par au moins 65 espèces de pucerons selon un mode non-persistant. Les périodes d’acquisition et d’inoculation sont courtes (de l’ordre de la minute) et la rétention du virus dans le puceron vecteur ne dure que 17 heures au maximum, pendant lesquelles le puceron peut transmettre le virus après son acquisition par piqûre d’une plante contaminée.
Le virus Y infecte plus de 500 espèces végétales, appartenant notamment à la famille des Solanacées (tomate, poivron, piment, etc.).
L’inoculum initial pour la contamination peut provenir de plantes malades de la parcelle ou du voisinage, de repousses infectées ou d’autres plantes hôtes (tomate, tabac, adventices).
Symptômes en végétation
La manifestation des symptômes provoqués en végétation par le virus Y est très variable et dépend de la combinaison entre la souche de virus Y, la variété de pomme de terre, les conditions agro-climatiques et le type d’infection (soit primaire en cas d’infection au cours de la culture pendant la saison ou secondaire c’est-à-dire provenant, via le tubercule, d’une infection lors de la culture précédente).
Une contamination au champ durant l’année en cours (infection primaire) se manifeste dans le cas des isolats PVYO par l’apparition de nécroses nervaires ou de taches nécrotiques brunes à noires sur les tiges (photo 1) ou à la face inférieure des feuilles (photo 2). Les feuilles deviennent cassantes et se dessèchent, en restant attachées à la plante (d’où l’appellation anglaise de leaf-drop symptom) (photo 3). L’infection primaire peut aussi provoquer une mosaïque déformante ou frisolée, souvent localisée sur une tige ou partie de plante.
Une contamination de l’année précédente (infection secondaire) produit, en revanche, des symptômes beaucoup plus prononcés et très variables selon les variétés. Ils peuvent être de trois types :
- frisolée : déformation foliaire (gaufrage des feuilles accompagné d’un phénomène de brillance et d’un port retombant du feuillage) associée à des mosaïques foliaires et parfois une réduction de la taille des plantes (photo 4 à 7) ;
- bigarrure : mosaïque prononcée accompagnée d’une réduction de la taille des folioles et de la plante ainsi que de la présence de taches nécrotiques importantes sur les nervures foliaires et de fortes déformations des plantes (photo 8) ;
- mosaïque (alternance de zones vert clair et vert foncé) non déformante, plus ou moins prononcée selon la variété et mieux visible par temps couvert (photos 9 et 10).
Dans le cas des isolats PVYN, l’infection de l’année donne plutôt des mosaïques légères tandis que pour l’infection de l’année précédente, le symptôme de mosaïque peut être plus prononcé.
Les isolats de type PVYN-Wi induisent sur pomme de terre des symptômes légers (notamment en contamination primaire), de type mosaïque légère avec parfois un enfoncement des nervures (photo 10).
Facteurs de risque
L’infection des plantes par le PVY résulte de la combinaison de sources d’infection, internes à la culture (repousses, tubercules de plant, adventices) et/ou externes (cultures de pomme de terre environnantes, jardins, adventices comme Solanum dulcamara ou Datura spp.), des vols significatifs de pucerons au cours de la saison de culture (en lien avec les conditions climatiques et les cultures voisines), le niveau des mesures préventives prises pour la production de plant de pomme de terre (épuration, pratiques culturales comme la maitrise des adventices, les programmes de protection et de défanage ainsi que l’inspection au champ et sur lot) et la sensibilité de la variété de pomme de terre.
Moyens de lutte
L’utilisation de plants certifiés et la résistance variétale sont les mesures essentielles pour limiter les contaminations par les maladies virales, et en particulier du virus Y, dans les cultures de pomme de terre destinées au marché du frais et à l’industrie.
En production de plants certifiés, un ensemble de mesures rigoureuses permet de limiter les contaminations des plantes par les maladies à virus pendant la période de végétation :
- utilisation de plants de pomme de terre certifiés sains, contrôlés et testés, résultant de la multiplication de matériel indemne de virus dans le cadre d’un schéma officiel de certification (incluant des procédures spécifiques de multiplication comme la micropropagation in-vitro, des inspections rigoureuses au champ et sur lots et des analyses en laboratoire sur la récolte) ;
- production dans un environnement favorable avec une pression limitée de virus/vecteurs et un isolement des parcelles par rapport aux jardins et aux champs utilisés pour la production de pomme de terre de consommation ou de transformation, et une climatologie défavorable aux pucerons ;
- épuration précoce des plants virosés et éradication des autres sources d’inoculum, comme les adventices et les repousses, pour limiter la dissémination des viroses dans la parcelle ;
- traitement avec des huiles minérales pour réduire la transmission des virus non-persistants comme le virus Y (en évitant les traitements par forte chaleur et en veillant à la qualité de l’application). Un système d’avertissement, basé sur le piégeage des pucerons au champ, peut être utile pour évaluer la pression aphidienne.
D’autres mesures de lutte sont utilisées en production de plant de pomme de terre :
- plantation précoce pour éviter les vols importants de pucerons pendant l’été ;
- défanage de la culture avant maturité,
- par destruction chimique ou mécanique des fanes, pour limiter l’infection des tubercules-fils lors des vols tardifs de pucerons qui peuvent être importants en période de chaleur.
Variabilité
Il existe une grande variabilité de souches de virus Y qui peuvent être classées selon leurs propriétés sérologiques, biologiques et moléculaires.
On distingue 7 groupes de souches principaux chez le virus Y :
- PVYO, groupe d’isolats causant sur tabac une chlorose et sur pomme de terre en général des symptômes assez forts (mosaïques, frisolée, bigarrure) et des pertes de rendement de l’ordre de 50 %. Ces isolats sont reconnus spécifiquement par des anticorps monoclonaux anti-PVYO ;
- PVYN, groupe d’isolats provoquant des nécroses sur les nervures des feuilles de tabac associées à une déformation foliaire et sur la pomme de terre des symptômes plutôt de type mosaïque, avec des pertes de rendement un peu moins fortes (25-30 %). Ces isolats sont reconnus spécifiquement par des anticorps monoclonaux anti-PVYN ;
- PVYC, groupe d’isolats ayant des propriétés voisines de celles des isolats PVYO en sérologie et sur tabac, mais se différenciant sur pomme de terre du fait qu’ils surmontent des gènes de résistance efficaces sur les isolats PVYO.
Ces trois groupes de souches sont les premiers à avoir été identifiés au début des années 30. Depuis la fin des années 70, de nouveaux groupes ont été identifiés, correspondant à des isolats dont le génome est issu de un à plusieurs événements de recombinaison entre le génome d’un isolat de type PVYO et d’un isolat de type PVYN. Ces réassortiments génomiques ont permis à ces variants d’acquérir des propriétés de ces deux souches ancestrales et d’exprimer une virulence et une agressivité pouvant être accentuées.
- PVYNTN, groupe d’isolats présentant les mêmes caractéristiques sérologiques et biologiques que celles des isolats PVYN, mais qui s’en différencient par leur capacité à induire l’expression sur tubercule de nécroses annulaires superficielles (maladie de la PTNRD – Potato Tuber Necrosis Ringspot Disease) (cf fiche dédiée) ;
- PVYN-Wi, groupe d’isolats présentant les mêmes propriétés sérologiques de celles des isolats PVYO, mais présentant des propriétés biologiques proches sur tabac et pomme de terre de celles des isolats PVYN. Sur trois variétés américaines (Yukon Gold, Alturas, Caribe), ces isolats sont également capables d’induire sur tubercules l’expression de nécroses annulaires superficielles ;
- PVYZ, groupe d’isolats présentant les mêmes propriétés sérologiques et biologiques sur pomme de terre que celles des isolats PVYNTN ; mais ils s’en différencient du fait qu’ils induisent de la mosaïque sur tabac comme les isolats de type PVYO ;
- PVYE, groupe d’isolats présentant les mêmes propriétés sérologiques et biologiques que les isolats PVYZ, excepté qu’ils surmontent des gènes de résistance sur pomme de terre efficaces sur les isolats PVYZ.
La capacité de recombinaisons importantes entre les isolats du virus Y favorise ainsi l’émergence de nouvelles souches et une forte variabilité du virus, ainsi que des symptômes qu’il provoque. A côté de ces 7 groupes de souches, d’autres isolats PVY ont été décrits de par le monde avec des caractéristiques biologiques différentes de celles décrites dans les groupes précédents. Ces isolats particuliers étant unique, ils sont regroupés dans un groupe appelé « autres ».
En Europe, les isolats PVY prépondérants en parcelles de production sont les isolats PVYNTN et PVYN-Wi. À partir du début des années 2000, ils ont supplanté les isolats PVYO et PVYN, majoritaires jusqu’à cette date. Les isolats PVYZ et PVYE, sont rares et n’ont été rapportés qu’au Brésil, Syrie et Espagne.