Agent(s) responsable(s) et transmission
Le rhizoctone brun de la pomme de terre est une maladie qui provoque des symptômes variés sur les différents organes de la pomme de terre (tubercules, tiges, stolons et racines). L’agent responsable est un champignon du sol, Rhizoctonia solani, pathogène sur pomme de terre mais également sur d’autres espèces cultivées (betterave, carotte, maïs, colza, haricot, riz, etc.)
Le sol et le plant contaminés constituent les principales sources d’inoculum de la maladie.
Diversité du champignon
Rhizoctonia solani est un groupe très polyphage comportant différentes populations fongiques que l’on regroupe classiquement en « groupes d’anastomose » (AG) définis par la capacité des souches d’un groupe AG donné à s’anastomoser (fusionner) avec une autre souche du même groupe d’AG. Il y a au moins 13 différents groupes d’anastomose avec différents niveaux de pouvoir pathogène et de gamme d’hôtes. Les isolats du groupe AG3 sont spécifiques des Solanacées et le groupe AG3-PT est inféodé à la pomme de terre. Malgré la spécificité de AG3-PT à la pomme de terre, il est capable de scléroter et de se maintenir sur plusieurs cultures de la rotation.
D’autres groupes comme AG2-1 (inféodé aux crucifères) et AG5 (inféodé aux légumineuses) peuvent être isolés de pomme de terre, mais ils sont moins fréquents et peu agressifs sur cette culture.
La diversité des souches de rhizoctone met en évidence la complexité de la gestion de la maladie au niveau du champ. S’il est reconnu que les pommes de terre sont infectées essentiellement par les souches du groupe AG3-PT, elles peuvent constituer aussi un hôte asymptômatique d’autres AG.
Importance économique
Dans la plupart des pays, le rhizoctone brun de la pomme de terre peut avoir un impact économique pour la production de pommes de terre que ce soit du fait des attaques sur tiges ou des sclérotes sur tubercules et les deux stades de la maladie doivent être maintenus sous le niveau du seuil de nuisibilité économique.
Pour presque tous les secteurs de production, consommation en frais et plants de pomme de terre, les sclérotes de rhizoctone sur les tubercules sont les principales causes d’altérations superficielles des tubercules, responsables de déclassement ou refus des lots touchés.
En raison de la pathogénicité de R. solani sur d’autres plantes de grandes cultures, la maîtrise de la maladie est difficile par la seule rotation des cultures.
Symptômes en végétation
En début de végétation, lorsque les conditions climatiques sont froides et humides, l’attaque de R. solani se traduit par des levées irrégulières ou tardives des plantes : les organes présents dans le sol (germes, stolons,..) peuvent présenter des taches brunes plus ou moins profondes, les tissus sont nécrosés par l’invasion mycélienne (photos 1 à 3).
En cas de forte attaque, les germes se nécrosent complètement et disparaissent, ce qui se traduit par des manques à la levée.
Si l’attaque est plus tardive, la base des tiges est touchée, entraînant un port caractéristique de la plante (photo 4) : enroulement, bord violacé des feuilles et jaunissement (voire dessèchement) du feuillage suite à une mauvaise circulation de la sève.
Ce défaut d’alimentation peut se traduire aussi par la présence de petits tubercules regroupés à la base de la tige ou bien de tubercules aériens se développant à l’aisselle des feuilles (photo 5).
Le rendement brut et la répartition en calibres peuvent être altérés suite à de telles attaques.
En période de forte humidité, un manchon de mycélium blanchâtre est facilement observable à la base des tiges, c’est la phase de croissance active et de reproduction sexuée du champignon (Thanatephorus cucumeris) (photos 6 et 7).
Symptômes sur tubercule
L’incidence de ce champignon sur tubercule est variable et dépendante du stade de tubérisation durant lequel intervient l’attaque.
Une attaque en début de tubérisation peut entraîner un ensemble de symptômes caractéristiques sur tubercule :
- déformations, entailles ou crevasses et altérations superficielles de la peau (liège ou desquamation) rappelant, pour certaines, des symptômes de gale commune en liège ou de peau « russet ». Dans ce cas, le grossissement du tubercule n’est pas nécessairement entravé mais, à la récolte, les tubercules sont souvent non conformes en qualité de présentation, car difformes, crevassés et avec des altérations superficielles (photo 8 et 9) ;
- sclérotes : en fin de cycle et avant récolte, le champignon fait les dégâts les plus caractéristiques qui ont donné le nom à la maladie : « rhizoctone brun ». Lorsque les conditions du sol et la sénescence de la plante ne lui sont plus favorables, le champignon entre dans sa phase de conservation en formant à la surface des tubercules des amas mycéliens brun noir : les sclérotes (photos 10 à 12). Bien que superficiels, ils persistent à la surface du tubercule, même après lavage ;
- le symptôme de « dry-core » peut parfois être observé sur des lots atteints de rhizoctone et de piqure d’insectes souterrains, en particulier les taupins. Il s’agit de bouchons liégeux bruns de quelques mm de diamètre qui progressent peu dans la chair (photo 13).
Moyens de lutte
Le rhizoctone brun de la pomme de terre est favorisé par un climat frais et humide après plantation ainsi que par tous les autres facteurs qui retardent la levée des plantes (et donc augmentent la période de sensibilité de la plante aux attaques sur les germes) : plantation profonde, précoce, en sol froid, plant non germé ou non réchauffé.
Les rotations courtes sont un facteur essentiel aggravant les attaques, de même qu’un long délai entre le défanage (ou la sénescence) et la récolte. Le champignon se maintient sur d’autres plantes (cultures, adventices et repousses) et résidus de culture.
Les sols riches en matière organique sont les plus favorables à la maladie.
Les pratiques suivantes sont conseillées pour lutter contre la maladie :
- Privilégier des rotations évitant les assolements avec d’autres cultures sensibles pouvant renforcer le potentiel infectieux des sols. Des méthodes alternatives d’enrichissement en champignons ou bactéries antagonistes (Verticillium, Trichoderma, Bacillus) sont à l’étude ainsi que l’utilisation d’engrais verts, enfouis ou non ;
- Utiliser des tubercules prégermés ; planter dans un sol réchauffé et bien préparé, pour une levée rapide et obtenir ainsi une moindre sensibilité aux attaques ;
- Utiliser des plants indemnes de sclérotes ou traités avec un fongicide efficace pour garantir une levée homogène et limiter le risque de formation de sclérotes sur les tubercules à la récolte (en sol sain),
- En cas d’infestation du sol, le traitement du sol à la plantation peut s’avérer nécessaire lorsqu’il est autorisé ;
- Sur le terrain, certains cultivars semblent moins sensibles à la formation de sclérotes sur les tubercules-fils, sans que cela soit toujours avéré ou documenté par des données précises ;
- Privilégier un défanage mécanique par arrachage des fanes pour limiter la formation de sclérotes ;
- Récolter dès que la subérification du périderme est suffisante, avec un délai entre le défanage (ou la sénescence) et la récolte le plus court possible pour limiter la contamination des tubercules – fils par les sclérotes. Un délai de 3 semaines après le défanage est en général un bon compromis.