Agent(s) responsable(s) et transmission
La pomme de terre peut héberger, comme de nombreuses autres plantes, de nombreux nématodes libres, qui ont une phase ectoparasite dans le sol mais sont aussi des endoparasites migrateurs. Les nématodes libres sont des vers de très petite taille qui se nourrissent à l’intérieur des tissus végétaux (racines ou tubercules) et sont capables de circuler dans la plante à presque tous leurs stades de développement à part la formation d’œuf. Ils ne forment pas de kystes ou de galles et sont donc invisibles à l’œil nu tout au long de leur cycle de développement.
Deux espèces, Ditylenchus destructor et Ditylenchus dipsaci, peuvent occasionner des dommages sévères sur pomme de terre, comme l’indique leur nom vernaculaire respectif : nématode de la pourriture des tubercules de pomme de terre (Potato rot nematode) et nématode des tiges et des bulbes (Stem-and-bulb nematode). Il s’agit d’espèces très polyphages se développant sur de nombreuses plantes cultivées et adventices, monocotylédones ou dicotylédones, voire à l’intérieur de champignons telluriques comme pour D. destructor. Le nématode hiverne dans le sol et dans les débris de racines sous forme de larves et d’œufs qui supportent des températures négatives mais sont tués à partir de – 5°C.
Les tubercules infectés et la terre environnante constituent des sources de nouvelles infestations du sol, tout comme les parties souterraines d’autres plantes hôtes (bulbes, rhizomes).
Il existe d’autres nématodes libres pouvant impacter la pomme de terre :
- Ditylenchus destructor peut être très dommageable sur pomme de terre. Il est sur la liste des parasites réglementés non de quarantaine de l’union européenne, avec une tolérance nulle pour les plants de pomme de terre afin d’éviter sa dispersion depuis les zones touchées. Il est présent de façon limitée dans la plupart des zones tempérées.
- Ditylenchus dipsaci est présent dans la plupart des pays en zone tempérée mais il est beaucoup moins nuisible pour la pomme de terre que sur d’autres plantes–hôtes comme les pois, le haricot ou les bulbes.
D’autres nématodes migrateurs peuvent aussi avoir une incidence sur la pomme de terre :
- Les nématodes de lésion (Pratylenchus spp., photo 5) peuvent causer des dégâts aux tubercules de pomme de terre et sur le système racinaire, en provoquant des nécroses caractéristiques. En cas de forte infestation notamment par Pratylenchus penetrans (photo 6), il peut y avoir une réduction limitée des rendements et une sensibilité accrue des plantes à d’autres pathogènes comme Verticillium, Rhizoctonia solani et Pythium.
- Les nématodes libres, Trichodorus et Paratrichodorus spp., sont des ectoparasites de racines migrateurs, appelés en anglais stubby-root nematodes (nématodes des racines trapues). En présence de fortes populations, ils peuvent impacter la pomme de terre, soit directement du fait de leur alimentation sur le système racinaire et causant de ce fait des nécroses, soit indirectement par la transmission du virus du rattle du tabac (Tobacco rattle virus ou TRV). En présence de populations virulières de nématodes, les variétés sensibles au TRV peuvent présenter des symptômes de rouille interne (“spraing”) à la récolte.
Symptômes en végétation
Ditylenchus dipsaci se développe sur les feuilles, tiges et tubercules de la plante. La croissance du végétal est réduite et les tubercules attaqués présentent des taches brunes.
Ditylenchus destructor se manifeste exclusivement sur les parties souterraines de la plante. Il pénètre directement dans le tubercule à partir des stolons, des lenticelles et des yeux.
Aucun symptôme n’est visible pendant la période de végétation. À la récolte, des lésions apparaissent sur le tubercule sous forme de petites taches brunes parfois étoilées (photo 1). En coupe, les tissus sous-jacents apparaissent granuleux et spongieux (photos 2 et 3). Pendant le stockage, les nématodes (et les lésions) continuent à se développer dans les tubercules infestés; un tubercule momifié est l’étape finale de l’infestation (photo 4).
Moyens de lutte
Les climats continentaux et tempérés sont favorables au développement de ces nématodes. Les sols chauds et secs sont moins favorables car ces nématodes sont sensibles à la dessiccation.
Les pratiques phophylactiques recommandées sont d’éviter l’introduction de terre infectée (par exemple lors d’échanges de terre) et la plantation de végétaux infectés (tubercules, bulbes ou rhizomes).
Au-delà des mesures réglementaires (cas de Ditylenchus destructor), il convient de façon générale pour lutter contre les nématodes libres de :
- éliminer les adventices (soigner le désherbage) et les repousses ;
- respecter des rotations longues (4 ans minimum) ;
- désinfecter le sol à l’aide de produits chimiques.
En présence de nématodes libres des genres Trichodorus et Paratrichodorus, susceptibles de transmettre le virus du rattle du tabac, le choix de variétés de pomme de terre peu sensibles aux symptômes de rouille est une alternative intéressante à la lutte chimique contre les nématodes vecteurs.