Pourriture brune et flétrissement bactérien (Brown rot or Bacterial wilt)

Complexe d’espèces Ralstonia solanacearum

Type d'organisme : Bactéries

Méthode de détection : Immunofluorescence (sérum INRA-FNPPPT), PCR

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Agent(s) responsable(s) et transmission

Jusqu’à récemment, Ralstonia solanacearum (anciennement dénommée Pseudomonas solanacearum et Burkholderia solanacearum) était considérée comme l’espèce bactérienne responsable de la maladie du flétrissement bactérien sur de nombreuses espèces végétales et de la pourriture brune sur pomme de terre. Différentes classifications des souches ont été proposées en se basant sur leur gamme d’hôtes (races), leurs propriétés biochimiques (biovars) ou selon leur phylogénie et distribution géographique (phylotypes). La classification a été revue récemment et il est admis maintenant que le flétrissement bactérien et la pourriture brune de la pomme de terre sont causés par un ‘complexe despèces Ralstonia solanacearum(RSSC pour Ralstonia solanacearum species complex) réunissant les espèces suivantes :

Il s’agit de bactéries telluriques, gram négatives, mobiles appartenant à la famille des Burkholderiaceae. Elles sont responsables de flétrissements ou de symptômes apparentés chez plus de 200 espèces végétales. De très nombreuses adventices peuvent aussi être infectées par ces bactéries, souvent de façon asymptomatique. Elles permettent à ces espèces bactériennes de se maintenir dans l’environnement et constituent de véritables réservoirs d’inoculum.

La bactérie pénètre dans la plante par les ouvertures naturelles présentes au niveau des racines, ou par des blessures induites par d’autres parasites comme les nématodes (Meloidogyne spp.) ou encore par des blessures artificielles induites par l’homme (repiquage, pincements, matériel de récolte ou de travail du sol). La transmission de la bactérie par des insectes a été montrée sur bananiers. Une fois dans la plante, les bactéries gagnent les vaisseaux du xylème dans lesquels elles se multiplient activement et provoquent leur occlusion et une restriction hydrique pour la plante qui finit par flétrir.

Importance économique et distribution géographique

Ce complexe d’espèces Ralstonia solanacearum fait partie des bactéries phytopathogènes les plus importantes dans le monde de par leur vaste distribution géographique, leur large gamme d’hôtes, leur virulence, leur grande diversité génétique et leur capacité à survivre longtemps dans les sols et dans l’eau. Elles ont une forte capacité d’adaptation les rendant particulièrement dangereuses. Elles peuvent être responsables de pertes de rendement sur pomme de terre pouvant atteindre 90 à 100 %. Les coûts liés à la non commercialisation des cultures infectées et à l’application des mesures de gestion de foyers peuvent également être considérables. L’Union Européenne a classé les souches des espèces Ralstonia solanacearum, R. pseudosolanacearum, R. syzygii subsp. celebesensis et R. syzygii subsp. indonesiensis comme organismes de quarantaine dans le Règlement Santé des Végétaux 2016/2031 ce qui implique que leur introduction en Europe est interdite et qu’elles font l’objet d’importantes mesures réglementaires pour éviter leur dissémination via le transport de matériel infecté. Les souches de Ralstonia solanacearum de race 3, biovar 2 sont classées comme agent de bioterrorisme aux Etats-Unis.

Le complexe d’espèces Ralstonia solanacearum est très répandu dans le monde puisque les espèces qu’il regroupe ont été décrites sur les cinq continents.

La bactérie est connue pour son adaptation à des environnements tropicaux chauds. Certaines souches sont également capables d’exprimer de la virulence à des températures plus froides que l’on retrouve en altitude (hauts plateaux d’Amérique et d’Afrique) ou dans les régions tempérées d’Europe. La bactérie a été signalée plusieurs fois en Europe, de façon sporadique ou lors d’interceptions de marchandises provenant de pays tiers. Les foyers européens font l’objet de mesures de gestion officielle et de lutte importantes et sont éradiqués ou en cours d’éradication. Les souches détectées dans les foyers européens appartiennent majoritairement à l’espèce Ralstonia solanacearum (souches de race 3, biovar 2) mais plus récemment des souches de R. pseudosolanacearum ont été détectées dans des foyers survenus sous serre sur Rosa spp.

Spectres d'hôtes

Les espèces bactériennes regroupées dans le complexe Ralstonia solanacearum ont un spectre d’hôtes très large puisqu’elles peuvent infecter plus de 200 espèces végétales appartenant à 54 familles botaniques différentes, majoritairement des dicotylédones mais également de nombreuses monocotylédones. Cette gamme d’hôtes connus continue de s’accroitre avec le signalement régulier de nouvelles espèces contaminées. Les plantes hôtes peuvent être communes entre les espèces du complexe Ralstonia solanacearum mais pas nécessairement.

Certaines espèces sensibles présentent un grand intérêt économique car ce sont des cultures industrielles ou vivrières importantes comme la banane, le tabac, l’arachide, la pomme de terre, la tomate, le manioc, le gingembre, etc. Parmi les autres espèces hôtes cultivées on peut citer le coton, les Cucurbitacées (concombre, melon, potiron, etc), l’aubergine, le poivron. Plusieurs adventices comme les morelles (noires et douce-amères), les chénopodes, les orties ainsi que des plantes ornementales appartenant aux espèces Anthurium spp., Pelargonium spp. et Rosa spp. sont également des hôtes du complexe d’espèces Ralstonia solanacearum. La bactérie a également été décrite sur des espèces d’arbres comme les eucalyptus et les oliviers.

Il existe aussi des plantes hôtes asymptomatiques dites tolérantes qui hébergent la bactérie sans pour autant développer de symptômes. Ce sont souvent des adventices, comme la morelle douce-amère (Solanum dulcamara), la morelle noire (S. nigrum), le faux poivrier (Schinus molle).

En Europe, la pomme de terre et la tomate sont les espèces hôtes cultivées majoritaires alors que la morelle douce-amère (Solanum dulcamara) est  l’adventice qui a l’importance épidémiologique la plus significative car elle héberge et multiplie les bactéries au niveau de ses racines provoquant la contamination des cours d’eau.

Symptômes en végétation

L’intensité des symptômes et leur vitesse d’apparition dépendent de l’hôte (âge, espèce, cultivar), du potentiel d’inoculum (qualité, quantité) et des conditions environnementales (température, humidité, type de sol, etc.). Les symptômes en végétation ne sont donc pas toujours très apparents et débutent souvent aux heures les plus chaudes de la journée par un enroulement de quelques folioles et une épinastie des feuilles (photo 1), la plante étant capable de récupérer pendant la nuit. Le flétrissement peut toucher seulement une ou deux tiges (flétrissement unilatéral) en début de maladie avant de se généraliser à la plante entière provoquant un arrêt de la croissance (photo 2). L’examen des tiges peut montrer une coloration brune des vaisseaux (photo 3) avec apparition d’un exsudat blanchâtre au niveau de la section (photo 4, test du verre d’eau). Dans le cas d’attaque sévère, un exsudat bactérien peut suinter au niveau de l’aisselle des feuilles et des tâches sombres peuvent apparaitre sur les tiges.

Symptômes sur tubercule

Selon le stade de développement de la maladie, des symptômes externes peuvent être visibles ou pas sur les tubercules. Lorsqu’ils sont visibles, ils se manifestent par l’apparition d’un exsudat bactérien blanchâtre au niveau des yeux et du talon (photos 7 et 8). Les particules de terre peuvent adhérer à cet exsudat et former des croutes sur le tubercule. Lors de fortes contaminations, une coloration brun foncé peut être visible sous l’épiderme.

L’expression de la maladie sur les tubercules se caractérise, en début d’infection, par la présence d’un brunissement rougtrêtre de l’anneau vasculaire, visible après avoir coupé les tubercules. Le suintement d’un exsudat bactérien blanchâtre peut apparaitre au niveau de l’anneau vasculaire soit spontanément soit après pression du tubercule (photo 6). Les symptômes évoluent ensuite vers une pourriture beige puis brune de l’anneau vasculaire (photos 5 et 9) qui va gagner les tissus avoisinants qui vont se nécroser et le tubercule finit par se décomposer.

Facteurs de risques

Les souches du complexe d’espèces Ralstonia solanacearum sont des agents pathogènes telluriques qui peuvent survivre dans les sols sous une forme saprophytique. Leur capacité de survie dépend du type de sol, de la température et du taux d’humidité. La bactérie se maintient mieux dans un sol argileux et humide que dans un sol sableux et sec. Des taux de matière organique élevés limitent la survie de la bactérie dans les sols. Le maintien de ces bactéries dans un sol nu reste très discuté et il semblerait que les bactéries survivent plutôt dans les racines des plantes hôtes, dans les résidus de culture (débris végétaux, repousses de pomme de terre) ou dans la rhizosphère des plantes non hôtes.

La température est également un facteur affectant la survie de la bactérie et l’expression des symptômes. Des températures comprises entre 0 et 10°C permettent à la bactérie de se maintenir dans l’environnement sans que la maladie se manifeste. Des températures élevées (35-37°C ou 27°C pour les souches adaptées aux climats plus frais) et une forte humidité du sol vont favoriser le développement de l’épidémie.

Le matériel végétal infecté mais asymptomatique (porteur de contaminations latentes) destiné à être planté (comme les tubercules de pomme de terre, les plantes ornementales, les plants de tomate, poivron… et parfois les graines) peut véhiculer la bactérie sur de longues distances et la disséminer dans des environnements sains. La dispersion de la bactérie peut également se faire par le mouvement de substrats de culture contaminés ou de sol adhérent aux plantes provenant de zones infectées.

Les eaux de surface et de ruissellement constituent une voie très importante de dispersion de cet agent pathogène. Les souches du complexe d’espèces Ralstonia solanacearum ont la capacité de survivre longtemps dans l’eau. Elles peuvent également se maintenir et se multiplier dans le système racinaire d’adventices comme les morelles douce-amères souvent présentes sur les berges de cours d’eau qui vont être contaminés.

L’homme peut également être responsable de la transmission de la maladie lors des interventions culturales (coupe des tubercules, taille ou pincement en tomate) ou par l’utilisation de matériel agricole contaminé (lors de la plantation, de la récolte ou du stockage), cet agent pathogène pouvant survivre environ 14 jours sur du bois.

Moyens de lutte

Le complexe d’espèces Ralstonia solanacearum figure sur la liste des organismes de quarantaine, du Règlement Santé des Végétaux 2016/2031 pour lequel aucune tolérance n’est admise et qui fait donc l’objet de mesures de lutte obligatoire.

La lutte intégrée et les méthodes préventives constituent le meilleur moyen pour réduire l’impact de cette maladie lorsqu’elle est présente dans un lieu donné et pour éviter son introduction dans des zones saines :